Qu’est-ce que la notion de luxe
aujourd’hui ? C’est la question que pose Dana Thomas dans son ouvrage
intitulé Luxe & Co, comment les marques ont tué le luxe.
Une enquête profonde et
déroutante au cœur de l’industrie du luxe, qui dévoile les dérives des grandes
marques parties à la conquête des masses, oubliant ainsi leur mission
originelle, qui est d’offrir aux riches des produits exceptionnels.
Depuis ces 30 dernières années,
entre volonté de profits, rentabilité et réduction des coûts, certains magnats
du luxe ont transformé une expérience extraordinaire, celle de s’offrir un
produit unique en son genre, en quelque chose d’insipide et de profondément
triviale.
Achetez un sac Prada, Gucci ou
Louis Vuitton revient désormais à s’offrir une part de rêve bardée de logos,
reconnaissable entre tous, visible aux poignets d’un nombre considérables de
femmes, à un prix qui dépasse largement sa qualité de fabrication.
Sacs Louis Vuitton, Tokyo |
« Aujourd’hui les marques de luxe sont trop
accessibles, trop uniformes et le service trop prosaïque » (Tom Ford).
Le merchandising et le marketing ont engendré une conformité et une
standardisation exacerbées, au point d’en oublier le cœur du métier, ce qui
était à l’origine même de l’artisanat français : un produit d’exception,
disponible en très peu de quantité.
Le créateur Tom Ford prend l’exemple fort du fast-food: « C’est
comme chez McDo : le merchandising et la philosophie qui se trouvent
derrière tout ça sont très similaires. Vous avez droit au même hamburger et au
même service dans tous les McDonald’s. Comme chez Vuitton ».
Fred Hayman, le fondateur du magasin Giorgio Beverly Hills, précise
même : « à une époque faire ses achats à la boutique Gucci de Beverly
Hills était une expérience extraordinaire. Aujourd’hui ce n’est qu’une boutique
Gucci comme les autres ».
Mais au-delà de l’uniformatisation du secteur, l’auteur dénonce cette
course effrénée du résultat, des bénéfices et du rendement face à des
actionnaires toujours plus exigeants. La production à moindre coût est devenue
le souci majeure des ces entreprises où l’étiquette d’origine n’a plus grande
valeur.
Certaines maisons ont choisi d’économiser en utilisant des matières
premières moins chères ou en supprimant les doublures de certains vêtements,
d’autres se sont tournées vers un endroit ou la main d’œuvre est
« abondante » et particulièrement attractive : la Chine.
Aujourd’hui un sac à main de luxe portant la mention « Made in
Italy » ne signifie pas qu’il est été entièrement fabriqué en Italie. Car,
comme nous l’affirme l’auteur, « les marques ont leurs petites astuces
pour éviter l’étiquette Made in China ». Certaines font fabriquer la
partie la plus importante de l’article en Chine, puis elles fixent les anses ou
les semelles en Italie, d’autres carrément arrachent l’étiquette « Made in
China » pour la remplacer par une « Made in France ».
La cupidité semble donc être la suprématie absolue.
Seules quelques grandes marques
s’efforcent de conserver un luxe intime où qualité d’exception et artisanat
authentique sont les chefs de file, à l’instar d’Hermès ou Chanel. L’un avec
ses sacs Kelly ou Birkin, l’autre avec ses roses centifolia de Joseph Mul à
Grasse, pour son célèbre N°5.
« Au fil des années, ces deux sociétés
ont acheté ou soutenu des maisons de luxe anciennes et traditionnelles qui
conçoivent des produits exceptionnels (…), pas simplement pour en tirer un
bénéfice mais pour leur permettre de continuer d’exister. Chez Hermès, on peut
citer notamment le bottier John Lobb, les cristalleries Saint-Louis,
l’orfèvrerie Puiforcat (…). Chanel possède une filiale, Paraffection chargée
d’acquérir et de sauver des petites entreprises françaises respectées qui,
depuis des années, fournissent de l’artisanat d’art à la haute couture ».
Face à ce constat désobligeant,
quelques créateurs, jeunes designers ou parfumeurs excédés par cette perte
d’intégrité et de valeur, que Diana Thomas définit comme les « réfugiés du
luxe », ont entrepris de monter leur propre maison.
Christian Louboutin |
Christian Louboutin, le créateur
de chaussures de luxe en est l’illustration parfaite. A la fois dessinateur,
concepteur et seul propriétaire de sa marque, le chausseur français est réputé
pour ses modèles glamour à la qualité irréprochable. Il ne fait aucune
publicité, ni de marketing et vend environ 100 000 pairs par an fabriquées
exclusivement en Italie.
Sa société semble bien petite face aux autres. Mais
Louboutin est formel : « Quand je vois ces hommes qui créent des
marques pour faire de l’argent (…) j’ai le sentiment de n’avoir rien en aucun
avec eux. Le luxe vous permet de rester proche de vos clients et de faire des
choses que vous savez qu’ils aimeront. C’est une question de subtilité et de
détail. Une question de service. (…) Le luxe n’est pas le consumérisme. C’est
éduquer l’œil à percevoir cette qualité particulière ».
Boutique Christian Louboutin |
Finalement le luxe, ce n’est pas
un produit de masse ordinaire couvert de labels et de logos, dépourvue de toute
qualité et destiné à un marché intermédiaire. Le luxe c’est quelque chose
d’extraordinaire, d’exclusif et d’unique. Il faut prendre son temps pour offrir
ce qu’il y a de plus précieux.
THOMAS Dana, Luxe&Co, comment les marques ont tué le luxe,
Tu viens de casser le mythe là...Je ne regarde plus mon sac Louis Vuitton de la même façon là
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RépondreSupprimerC'est hallucinant de voir comment les marques nous font payer une fortune des produits fabriqués en Chine!
RépondreSupprimerJe recommande vivement ce livre, il retrace l'histoire de toutes les grandes maisons et dévoile beaucoup d'éléments extrêmement intéressants. On apprend beaucoup de choses.
RépondreSupprimerTon article est bien écrit bravo
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